Monday 9 January 2006

Des cerveaux africains pour l’Afrique

Depuis 1990, chaque année, plus de 20.000 personnes quittent le continent africain pour émigrer en Europe et en Amérique du Nord. Dans les pays les plus pauvres, des millions de personnes sont prêtes à tenter leur chance, parfois dans des conditions inhumaines. Pour améliorer leur niveau de vie et celui de leurs proches, ils sont prêts à prendre des risques énormes.

Pauvreté, chômage, violations des droits de l’Homme, conflits armés et manque de services sociaux, tels la santé et l’éducation, figurent parmi les facteurs qui les incitent à tout tenter pour venir dans nos pays.

Mais dans nos pays «riches» la population est également inquiète du chômage, de l’insécurité et des incertitudes d’un monde qui change, qui évolue et dont les accélérations sont imprévisibles.

L’Europe a besoin de nouveaux migrants

En même temps, l’Europe a besoin de nouveaux migrants, dans une double logique de remplacement, en raison du vieillissement de nos populations, mais aussi pour survenir au manque de ressources humaines dans certains secteurs de nos économies. Deux catégories d’immigrés sont essentiellement visées: ceux qui sont prêts à accepter des emplois mal payés, durs ou dangereux, dédaignés par nos propres citoyens, soit des professionnels hautement qualifiés. Car près de deux millions de techniciens et de spécialistes font défaut aujourd’hui dans l’Union européenne, notamment dans le secteur de la santé et dans celui de l’informatique et des nouvelles technologies.

En raison de ces déficits, les pays industrialisés se sont lancés dans des campagnes de recrutement à l’étranger, en Afrique sub-saharienne en particulier. Or en Afrique, la perte de main-d’œuvre qualifiée, la fuite de cerveaux, a des conséquences dramatiques sur le développement du continent. Cet exode renforce la dépendance des économies africaines, en les contraignant à recourir à une expertise étrangère onéreuse dans des domaines trop nombreux, créant ainsi un cercle vicieux croissant. Il est invraisemblable et insoutenable que les pays africains consacrent chaque année environ 4 milliards de dollars à employer environ 100.000 expatriés non africains!

A l’heure de la mondialisation, il devient de plus en plus difficile de freiner la libre circulation de la main-d’œuvre qualifiée. Et il est évident que les mesures permettant de freiner ce phénomène n’aboutiront que si elles sont appuyées par les pays de destination, ces mêmes pays qui, en mal de personnel qualifié, incitent directement ou indirectement à cet exode. Avant d’approfondir cette discussion, une chose doit cependant être claire. Quelles que soient les mesures envisagées pour casser cet antagonisme entre migration et développement, la migration ou le retour doit rester un choix personnel de tout individu.

Une coopération internationale devient urgente pour trouver des solutions à ce phénomène et pour inverser ses effets dévastateurs sur le développement. Il faut construire des ponts entre les pays d’accueil et les pays d’origine des migrants, de façon à ce que, par exemple, les compétences acquises dans le pays où ils suivent leur formation puissent servir en priorité leur pays d’origine, moyennant un accompagnement sous forme d’aides à la réinstallation, au démarrage de petites et moyennes entreprises ou d’appui aux administrations publiques où ils vont prêter leurs services.

Assister l'Afrique à créer des centres de formation

Il faut, en particulier, que la communauté internationale, avec l’Europe en tête, assiste les onze pays africains qui n’ont pas encore une seule école de médecine à mettre sur pied des centres de formation. De la même façon, pourquoi ne pas créer des centres régionaux d’enseignement, de sciences, de recherche et de développement?

Nous devons apporter un appui budgétaire aux organismes de santé pour encourager les candidats potentiels à l’émigration à rester au pays.

Nous devons assister les Africains à créer des «réseaux d’excellence» ayant des liens privilégiés avec des institutions en Europe. Ces réseaux doivent pouvoir bénéficier d’une utilisation accrue et plus efficace des nouvelles technologies d’information et d’initiatives telles que la télémédecine.

Enfin, au-delà de toutes ces considérations, il serait bon de rappeler que les phénomènes migratoires furent de tous les temps. Et qu’à l’aune de l’histoire et placé dans la perspective du long terme, ce phénomène produit toujours des effets bénéfiques pour les migrants certes mais aussi pour les sociétés qui les accueillent par intérêt ou par solidarité universelle.

par Louis Michel, commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire
Source: Luxemburger Wort du 27/12-5

2 comments:

Anonymous said...

La "fuite des cerveaux" est un vrai problème pour l'Afrique.

Mais je ne crois pas que l'on puisse réduire l'émigration à une hémorragie. Car dans le même temps, les migrants contribuent massivement, au travers de flux financiers privés, au développement de leurs pays, régions et villages d'origine. Le FMI estime à deux milliards de dollars les transferts privés de migrants à destination du Maroc, soit une ressource équivalente au tourisme. Pour d'autres pays, comme le Mali ou les Comores, c'est encore -rapporté à leur PIB- bien plus...

Plutôt que d'agiter le mythe du retour (les politiques d'aides en ce sens ont toutes échoué), il vaut mieux se demander comment on pèse sur ces flux pour créer les conditions d'un avenir sur place pour ceux qui y vivent aujourd'hui. Trop souvent, ces transferts privés se substituent aux missions d'intérêt public qui devraient relever de l'APD. A l'inverse, les économies africaines sont caractérisées par un double contrôle étatique et étranger. Créer les conditions d'un avenir en Afrique, c'est donc réorienter l'argent des migrants vers l'investissement productif, pour rendre l'économie africaine aux africains et créer de l'activité.

Anonymous said...

je ne trouve anormale qu'à l'heure ou l'europe parle de fermeture des frontiere face a l'immigration africaine ;que des dirigeants politiques parlent d'immigration choisie,c'est une autre maniere de saigner l'afrique .on parlera de l'esclavage du temps moderne.
comme un adage le dit :apprend moi a pèche au lieu de me donner du poisson .
tout le monde reconnait que l'afrique a une population très jeunes.Pourquoi ne pas aider les dirigeants et intellectuels africains à eduquer cette populalion jeune.
l'immigration choisie est une abomination .
arretons les frais